Murielle Compère-Demarcy
Né à Reims en 1971, Nicolas Rozier écrit et dessine. La découverte à 17 ans de l'oeuvre de Egon Schiele est un moment décisif. Suivront au fil des années d'autres impacts nommés Giacometti, Artaud, Franck Auerbach, Dierickx. La peinture de Van Gogh reste pour lui une sentinelle de toutes les puissances.
Il commence à écrire après ses années de lycée, découvre en bloc à la fin des années 90 les textes pour lui capitaux de Antonin Artaud, Jacques Prevel, Roger Gilbert-Lecomte et Luc Dietrich et, un peu plus tard, ceux d'Armand Robin, Gérald Neveu et Léon Bloy.
Nicolas Rozier a publié, entre autres, trois ouvrages aux éditions de Corlevour : L’Écrouloir (2008), Tombeau pour les rares (2010) et L'Astre des anéantis (2011). Vient de paraître au Castor Astral : La main de brouillard - Poème pour Francis Giauque.
Peintre, essayiste, poète
Le TOMBEAU POUR LES RARES, 27 portraits d'écrivains disparus (écrits et dessinés), projet dans lequel 29 écrivains d'aujourd'hui ont accompagné l'auteur, est une concrétisation de ces découvertes décisives.
L’Écrouloir, d’après un dessin d’Antonin Artaud, est paru aux éditions de Corlevour, en juin 2008, après un premier livre : L’Espèce amicale, (poèmes et dessins) édité chez fata morgana en 2006.
Un texte sur Roger-Gilbert Lecomte : Le tambour pectoral a été publié dans le catalogue de l’exposition Autour du Grand Jeu, édité en 2004 par la ville de Reims.
Collaboration, par le texte et l’image, aux revues Nunc, Sorgue, Pyro, Thauma et Trou.
Ses oeuvres ont croisé les textes de Zéno Bianu, Olivier Penot-Lacassagne, Charles Dobzynski, Pierre Dhainaut et José Galdo.
Expositions en Belgique : galerie Albert Dumont (Bruxelles), galeries Zedes (Bruxelles), Beukenhof-Phénix (Kluisbergen), La louve (Léglise), centres culturels de Bastogne et Elzenhof (Bruxelles)
En France : Musée Rimbaud et à la galerie de la Halle Saint-Pierre en 2010 dans le cadre de l'exposition Tombeau pour les rares. Expositions en 2009 à Charleville-Mézières, Troyes, à la Médiathèque de Reims et à la galerie Concha de Nazelle à Toulouse Exposition Autour du Grand Jeu à Reims en 2004 (Ancien Collège des Jésuites) et à la Comédie de Reims.
Marcel Moreau, Zéno Bianu, Bernard Noël, Marie-Claire Bancquart, Pierre Dhainaut, Charles Dobzynski, Guy Darol, Alain Marc ont salué son travail.
Nicolas Rozier coordonne un projet de réédition du seul livre de Colette Thomas (fille de cœur d’Antonin Artaud): Le testament de la fille Morte aux éditions de Corlevour.
Dans la lecture de Jean-Pierre Duprey, Antonin Artaud, Nicolas Rozier, Alain Marc.
"Cloaque-langue de mots Dits de l'Ecrouloir où / tombe la langue / s'effondre le sens / pour /que ressurgisse de l'agonie / des espoirs / cloués aux faux soleils aux / fausses fenêtres de l'effondrement / la verticale de l'Etre. Soleil noir, oronge du sang acide à circuler dans l'âtre / calciné-braise de nos veines empoisonnées em-/ prisonnées de leurres-paraître / Circule l'écri-/ ture tempétueuse/ sous leur vent-/-il -a -tueur / de tristes pales vénéneuses / Circule E/Cri/-ture / sang cloué sur nos tempes d'Excalibur. Brûlent où ils refleuriront / les fruits noirs de la terre. Châtrés pour mieux grandir / éclos-nés de leurs cendres. Il se décroche des croix où l'on voudrait l'abattre / l'Oiseau du poème. Ciseaux de soleil & de chair son vol signe le coup d'arrêt orbe des frontières. Cloaque-langue de mots Dits de l'Ecrouloir où / tombe la langue / s'effondre le sens / pour /que ressurgisse de l'agonie /des espoirs / cloués aux faux soleils aux / fausses fenêtres de l'effondrement / la verticale de l'Etre."
La verticale de l'Etre, soit dit en réseau socialisant, peut notamment se prendre par l'ouverture des œuvres ci-dessous représentées.
OEuvres de Jean-Pierre Duprey (Oeuvres complètes), Antonin Artaud (Oeuvres complètes), Nicolas Rozier (acrylique sur papier), Alain Marc (Ecrire le cri)
La mémoire brûle
sous l’or explosif du soleil
et les sculptures fulgurées
se défont
A quelle pointe du temps
quelle ultime écorchure d’endurance
la somme, le fagot hérissé des éclats
la volée de cristaux reviennent-ils au corps
comme la lumière durcie
de ses millions de stries aux abois
Par quelle tranchée galérienne
Après quelle traversée de désert mutant se laissera humer
le surplomb antique de rosée brutale
jetant sa poudrière nacrée dans ton feu
Par quel débarquement de ciel usé d’orage
le ciel agenouille ton corps irisé
sous la pluie de mes doigts, de mes paumes
bouclier de caresses vaporisées de mon sang
Le soleil, boule à feu écrasée
sur les cœurs à dégorger le néant
Le soleil est une battue de sangs
sur ton rire, cri de l’espace
coup d’envoi de la vie fendue
lézarde subite zébrant d’une flèche
les ciels mutiques
Tes lèvres
c’est la terre ouverte
aspirée par les étoiles
et ta véhémence de boutures
à faire s’entretuer les éclairs
miracle des miracles soulevé
d’une ascendance plus florale
d’une animalité d’étoile
d’une gravité orgiaque
plus bestialement magique
que la beauté fissurée
au noyau de ses grâces
Sourire du cri dans le vide
aux colonnes duquel
éclateront de nouveaux corps
statues de pierre choquée
taillées pour le combat d’extase
où se fracassera la geôle
croulée aux yeux
frangés de cils atomiques
démence éclatée de beauté orfèvre
où le cœur éclaté dans la vie
ouvre le feu de sa couleur
comme un tir fatal
dans la tuerie du hasard
et le fer trempé de ta peau
enfilée d’un seul souffle
NR – Vivre à la hache LXXII
Des lenteurs de cyclones
touillés dans le sang
J’ai tout brûlé, tout enfourné
Quelle foulée, quel souffle,
quel corps en avant ou à reculons
progresse encore ici?
Les mots sont tombés
comme des hommes
rien ne pourra les refaire
Aucune neige n’a fini d’être piétinée
Les chemins de traverse
les arbres d’hiver
sont bons à mettre aux ordures
des contes inventés par les nerfs
Nul ciel de tombe ne se penchera
pour être l’ami glacé d’un instant
Tout croule et croulera d’une peste
à côté de laquelle les horreurs du temps
paraîtront des cloches pieds de marelle
Troué comme un planisphère
reptilien, fraisé par des galeries
et des broches sublunaires
Ma tête, mes bras, mes jambes
ont la voix enterrée
des mines de cobalt, de chrome
de manganèse et d’uranium
Plus de mouvement
mais des pioches, des piolets
des burins et des marteaux
Au fond de cette usine
l’unique ressac d’un monde
dépoitraillé, dévidé
débondé sur les ténèbres
îlot irascible
d’une surimpression sans limite
à l’éclatement lustral
des yeux sans fin roulant
leurs vagues de rayons
comme un vol de nimbes turquoises
décuplant le coup de masse
des brisants
Les chansons douceâtres
les salons du répit
les causeries de balancelles
les hoquets de la trêve
n’y font rien
Le sang n’est pas un négoce
de sorciers paisibles
Il fuse droit
et vomit les niches
où tout, absolument tout
et tous
- L’air du temps
- La vieille horloge
pendue aux figures
- Les mots manchots
- L’heure qu’il est
- Le branlebas des étoiles
variant leur angle de tir
et les norias d’échouages
de la terre et du ciel
veulent le coaguler
dans les urnes
étagées le long des rues
alignées sur les boulevards
ce baptême de crime
inessoufflable
La marée noire
de cette procession
me dira un jour ou une nuit
à la pépite flambée d’un seul grain
du sablier d’enfer
Comment les jambes de bois peuvent
sucer par les racines
boire la sève unique d’une file gravissant
les pyramides aztèques
au décollement de la tête
et à l’arrachement du cœur
Comment les faces humaines et leur rails
défilées, leur vie de train perdu
peuvent dépecer par-dessus l’épaule
se battre dans la fumée
pour des punaises et des roupies
cintrer la vie au signe coulé de chaque instant
repartir le tronc en avant
pour une nouvelle fournée de choc
Et ne jamais tomber pures
Au coup de tête
Coup de boulet de ses masques
Ne Jamais sortir blêmes de guerre
à mort
Face au visage vernissé
au rabot de sa poigne
la tête de sang
levée de sa butée d’artères
sectionnées au point
final de sa puissance
Envolée de son vol
éjecté ébroué d’ailes noires
au regard embouti
embrasé possédé
du cri de l’arrière
Boule à feu intégrale
du coup de gong
sur ton cœur pétrifié
NR – Vivre à la hache LXXIII
Je ne suis pas une tour
ni un tronc cerclé
d’ombres jouisseuses
Je suis tes yeux nus
sur la colline terreuse
et le piquet acharné
de leur mémoire
sans légende
Le tombeau
de ton paysage muré
C’est mon crâne contre son marbre
Je connais ses veines
elles m’ont toutes perforé
Je parie sur les miennes
Rien ne me déplantera
de la lumière grillée
et des fontaines basses
de ton sang
Tes yeux en face
sont d’un vol inné
embrasé sur mes jours
Ni bride ni passé
ne pourront les tenir
Chacun de tes traits
passé à la meule d’un météore
Tu es l’enfance de guerre
de ma naissance de hasard
Né comme une bombe
avortée qui remonte sa charge
avec les moyens du bord
et du débord
J’ai le corps en cylindre,
et des bouffées de nitrate
des bouffées parlantes
garrottées
des mots de fer
pulvérisés dans l’infini
trou de bombe
d’une marche à l’aveugle
au troisième œil de ton front
troué à l’horizon
Une touffeur d’arène
Un corset de gouffre
où des planches de ma surface
pendent comme des palans
des parois de baraque
vrillées à la tornade
Et plus l’univers de sang
se démâte
plus le sang d’origine
hurle au fond de l’abattoir
des ciels incapables :
PLUS FORT
PLUS DUR
PLUS NU DANS LA BOUE
DE TERREUR
DEBOUT LE FEU D’ASTRE
SOUS LA BÉTONNIÈRE
LIBERÉE
LA JONCTION
DU VOL NOIR
PULVERISÉ DANS SON AIGLE
AVANCE AUX TENDONS
LEVÉS COMME UN PIANO
DE CÂBLES SUR LES OS
DE L’ASCENSION A L’ENVERS
TIRE COGNE ET BOMBARDE
ASPIRE L’AIR DEFIGURÉ
DES HÉCATOMBES
TU ES EN FACE DANS LE VIDE
PÉTALE UNIQUE ECRASÉ
SUR LE PLAT D’UN MARTEAU
À COGNER L’HORIZON VERMOULU
ET JE SUIS TA MUE
DANS LES CRATÈRES DE L’ORAGE
Les derniers sons
de métal tombent
des poches
du plafond
des courants d’air
La baraque à tous les vents
ne soulève plus mon grondement
Je vois tout ralentir
dans la pluie de cendres
sans flocons
NR - Vivre à la hache LXXIV
"Entrer dans la nuit sidérale du poème, loin des masques d'esthètes. Là où il n'est plus de moi. Où le moi n'est plus qu' /"Une centrale / au point mort / électrique". Poésie des astres, vive, des broyés vivants, où l'actu- / alité agiterait en surface "la fureur des damnés", des "masques qui s'entredévorent". Poésie des astres du côté de l'agonie de l'être (A. Artaud), resplendissante dans la multiplicité broyée de la chair grattée jusqu'à l'os / dans le brasier des mots // démangée jusqu'à l'humus du verbe .Dans le corps-à-cris, Poésie 9 fois tête-de-Muse
greffons de l'Hydre de Lerne / en gésine infernale / perpétuelle. Arrêt sur poèmes sur l'écriture de Nicolas Rozier."
Murielle Compère-Demarcy
Vivre à la Hache
1 an : 100 poèmes
29 octobre 2014 - 29 octobre 2015
Un immense merci pour votre soutien, renfort et accompagnement - silencieux ou non - durant cette année.
Des ajouts - épaves ou soubresauts à venir - sont probables
À revoir, relire et corriger pour essayer d'en faire un livre.
Deux publications pour l'année 2016 :
"La main de brouillard, poème pour Francis Giauque"
au Castor Astral, en mars
"Jacques Prevel, poète mortel" aux éditions de Corlevour, en avril
L’ENFER MORT
NE RENDRA PAS SON FILS DE BOIS
ET DE FER DECHIQUETÉ AUX BARRES
ET AUX POUTRES
RIEN NE SERA RENDU
Ni DONNÉ
Ni SORTIE PAR LA TRAPPE
OU LA FOSSE
D’UN RETOUR
RIEN NE REVIENT
QUI NE SOIT DÉJÀ VENU
LES VERTÈBRES D’APOCALYPSE
ROMPUES AU FOND DU NÉANT
IL N’Y A PLUS
DE COLONNE
PAS PLUS QU’IL N’Y A DE TUBE
OÙ SOMBRER DANS LE VIDE
DEVANCIÈRE DU SUICIDE SOLAIRE
DE LA MORT EXPLOSIVE DU SOLEIL
À LA FACE DE TOUT ET DE TOUS
LA VIE PULVÉRISÉE ÉGARE SES ATOMES
LES FILLETTES VIOLÉES DU CRI TUÉ
S’ALIGNENT AU FOND DE L’ESPACE
ET TOUT MEURT INOUBLIABLE
AU DÉSERT DE L’OUBLI
UN DERNIER FAISCEAU ÉCLAIRE
LE TABLEAU DE L’HORREUR
EMPOIGNANT LA TERREUR
DANS UN CIEL D’OUTRE LARDÉ À SANG
ET LE DERNIER MOT
DU COSMOS FENDU A LA HACHE
LÂCHE UN RAYON DE TERRE A NAÎTRE
UNE DÉFLAGRATION
UN BLAST HÉROÏQUE
ÉCLATÉ AU COEUR
SOUS L’AVERSE DE SES FLÈCHES
ARRACHÉES
NR - Vivre à la hache – C
Je vous suis depuis le début de ce Vivre à la hâche et j'ai senti vibrer au fil le tréfiletage acéré et de plus en plus puissant du Poème, d'un coeur du poète noir débobiné vers une quintessence d'acier, où le clou maintient l'âme l'esprit sans en fendre la fibre incarnée, pour l'accrocher en usage et en rappel dans notre décor de lecteurs attachés. Murielle Compèredemarcy MCDem
"Tu vois juste Murielle." Nicolas Rozier
Pointe en jaillissement de semences, en éclats d'une brûlure de rappel pour tisonner l'air et l'espace au départ du souffle et de nos os en marche en magistrale déroute pour / oser une "géométrie sans espace". Poète noir du feu de la forge, lames du désir en gésine chaque souffle d'instant recommencé, dans le bas-ventre et le cri d'une humanité à / par-achever. Votre nom, "Rozier", Nicolas, si je peux l'écrire, porte l'acier dans son calice à l'humus du Verbe aéré / gratté / retourné. merci de coeur à coeur
"Superbe discernement à propos de la métallisation, cette survie fraisée à la pointe de l'abattage" N. Rozier